L’expression négo du mois : « carpet bombing »
Tétaniser pour mieux négocier… ou pas ? Donald Trump n’en finit de mettre en pratique sa manière de « négocier » peu conventionnelle et brutale. Après l’annonce de l’augmentation de droits douanes ciblée selon les pays ; d’après l’administration américaine, 50 d’entre eux souhaitent négocier. C’est la mise en œuvre du carpet bombing, ou pour paraphraser Sun Tzu, comment gagner la guerre commerciale sans avoir à la faire.
Comme souvent évoquée dans nos colonnes, la stratégie de Donald Trump repose sur un rapport de force permanent, contrastant avec les traditions diplomatiques entre États souverains. Cette approche, qualifiée de « carpet bombing » par certains analystes, consiste à envoyer d'abord un tapis de bombes pour mieux négocier par la suite.
La technique est éprouvée et éprouvante : Trump commence par formuler des demandes totalement inacceptables avec une apparente fermeté. Son but : mettre la barre très haut et effrayer la partie adverse. Par exemple, il a demandé un accès aux terres rares ukrainiennes en compensation de l'aide militaire et financière versée depuis trois ans, une demande exorbitante de 500 milliards de dollars. Ensuite, il formule une demande moins déraisonnable, comme 300 milliards, dans un climat plus apaisé, en affirmant avoir « beaucoup de respect » pour celui qu'il avait, la veille, qualifié de dictateur.
Cette brutalité assumée est redoutablement efficace selon les travaux réalisés par les psychologues sociaux Joule et Beauvois. En utilisant des mots simples, répétitifs et chargés émotionnellement, Trump stimule les régions limbiques et l’amygdale, responsables du traitement des émotions telles que la peur, la colère ou l’excitation. Par exemple, des mots comme « win », « great », « fake » ou « bad » génèrent des réactions immédiates et viscérales chez son auditoire.
Les annonces agressives de Trump concernant les droits de douane, si elles les ont d'abord tétanisés, ont obligé les pays visés à leur opposer des contre-mesures sans entrer dans une logique de surenchère sauf pour la Chine. L'Empire du Milieu a ainsi dénoncé l'unilatéralisme et le protectionnisme des décisions américaines, tout en proclamant ce mercredi des droits de douane supplémentaires de 50% sur les produits US, portant le total à 84%. La Chine assume désormais le découplage avec les Etats-Unis et se tourne vers les pays voisins (Source Les Échos).
Quant à l'Union européenne, elle a qualifié ces nouveaux droits de douane de coup dur pour l'économie mondiale et envisage des répliques progressives, notamment dans le secteur des services numériques. La France a dénoncé une décision brutale et infondée, tandis que l'Allemagne appelle l'Europe à montrer ses muscles (450 millions de consommateurs quand même !) tout en maintenant le dialogue. Ces réactions montrent toute la complexité des relations et les défis que pose à chacun la stratégie de D. Trump.
Une certitude : le président US n’est pas fou même s’il aime jouer à l’apprenti sorcier tant que cela lui est profitable. Ses techniques de manipulation et de négociation sont parfaitement réfléchies et visent à obtenir des avantages significatifs pour les États-Unis (America first !). Cette méthode, bien que controversée, montre comment Trump mobilise le langage et la force pour structurer des narrations politiques distinctes et atteindre ses objectifs.
En attendant, l’économie mondiale s’affole ; les entrepreneurs, quels qu’ils soient, font des cauchemars ; les marchés financiers font du yoyo, en bref la planète entière stresse, y compris le consommateur américain qui voit l’inflation risquer de vider son caddy.
A suivre : la parade Scotwork au « carpet bombing » dans nos négociations.