Vous venez de présenter votre proposition, de surcroit parfaitement justifiée et argumentée. Et face à vous, votre interlocuteur ne dit rien, n’émet aucun signal mais continue cependant de vous regarder… Difficile d’interpréter son silence, de rebondir dessus, de relancer la négociation. Le silence en fait-il partie ou non ?
Éloquent, trompeur, délibéré, profond, solennel, méprisant, parfois gênant, même paradoxalement assourdissant, il y a tant de manières de qualifier le silence et surtout de traduire sa raison d’être au cours d’un échange.
Votre interlocuteur souhaite-il vous pousser à meubler en vous poussant à surenchérir sur vos propres propositions. Ah la fameuse technique du mur, un grand classique : devant l’apparente impassibilité de son interlocuteur, l’on se sent obligé de dévoiler encore plus ses cartes, d’en sacrifier de nouvelles jusqu’à ce qu’une petite lumière d’intérêt s’allume dans le regard de l’autre et souvent au détriment de vos propres… intérêts.
Au mutisme répondre par la même attitude ? C’est en effet une solution. Mais se regarder en chiens de faïence ne mènera pas loin. En revanche, l’on peut tenter de relancer la conversation, en reformulant autrement les objectifs de la négociation, les attentes de votre interlocuteur ainsi que votre proposition. Si celui-ci continue de garder le silence, montrez-lui que vous n’êtes pas dupe, que cela ne fonctionne pas sur vous. Au besoin, ajournez la rencontre.
En revanche, le silence peut traduire aussi une forme de rejet. Ayant une autre alternative à votre proposition, votre interlocuteur n’éprouve tout simplement pas le besoin de poursuivre avec vous. Qu’il le dise alors !
À l’opposé, son silence vaut peut-être acceptation, mais grâce à la technique du mur, il cherche à en obtenir plus. Profitez-en pour être plus ambitieux et pour lui glisser une nouvelle concession, proposition ou demande supplémentaires, sans oublier de les valoriser comme il convient. Dans ce cas-là, le silence pourrait devenir d’or ! Et cela pour les deux parties.
« Certaines batailles se gagnent en silence », écrit l’auteur québécois Michel Bouthot, et parfois par le silence dans certaines négociations, ajouterions-nous. Mais reste que pour qu’un accord se construise en bonne et due forme, il faut aussi savoir le briser.