Alors que la tragédie de la guerre en Ukraine n’en finit pas de provoquer souffrances et terreur, l’agresseur russe vient d’évoquer « un compromis possible sur une neutralité de l’Ukraine ». Possibilité aussitôt rejetée par Kiev. Dans une guerre qui est aussi celle de la désinformation, du cynisme et de l’interprétation des mots, quel sens peut bien revêtir l’utilisation de ce terme de compromis ? Décryptage.
Complexe de s’engager dans l’interprétation d’un mot sans avoir le recul de l’histoire. Quelles que soient les raisons qui ont poussées les Russes à utiliser le mot compromis (pression internationale, résistance mal anticipée, volonté d’en finir ou d’encore jouer sur les nerfs des Ukrainiens), les média y notent, avec précaution, un espoir et cela malgré les frappes incessantes et la stratégie d’encerclement menées par l’armée russe.
Certes le terme apparait pour la première fois dans ces fragiles négociations qui perdurent entre les Ukrainiens et les Russes. Ne sont-elles pas elles-mêmes le signe qu’une solution est possible, voire un terrain d’entente envisageable ? Mais la situation sur le triste terrain de la réalité semble le démentir. Comme l’affirme Jean-Yves le Drian, ministre des affaires étrangères : « On ne négocie pas avec un revolver sur la tempe ».
Et pourtant le fil de la négociation, certes ténu, n’est pas interrompu. Même les Ukrainiens paraissent prêts à certaines concessions. Côté russe, elles s’apparentent plutôt à des exigences. Pourtant, le président Zelensky remarque chez ses adversaires une « approche fondamentalement différente, soulignant que « la Russie ne se contentait plus de juste poser des ultimatums » (RFI).
Alors ce terme de compromis, prononcé mercredi 16 mars par Dmitri Peskov, porte-parole de la présidence russe. Même si rejeté, comment l’interpréter ?
En commençant par en définir le sens. D’après Frank R. Pfetsh (Revue Négociations, Cairn Infos) : « Le compromis négocié est le résultat le plus courant en politique démocratique et caractérisé comme méthode pour arriver à un résultat sans recours à la violence ». Comme en atteste la situation sur le terrain, les Ukrainiens ne font pas face à une démocratie et sont encore loin d’un cessez-le-feu, condition nécessaire pour envisager un compromis.
Frank R. Pfetsh poursuit : un compromis est considéré comme un arrangement dans lequel deux ou plusieurs parties font des concessions mutuelles dans le but d’arriver à une collaboration ou à un accord. C’est le résultat d’une négociation entre des parties en coprésence, où chacun aura fait des concessions pour arriver à une solution commune. Cela peut être un compromis total ou partiel sur lequel les parties ont négocié des questions conflictuelles qu’ils souhaitaient traiter ». Encore faut-il qu’il soit durable et sécurisé.
L’histoire s’écrit au fil des heures dans la plus totale incertitude. Seules maigres certitudes, le dialogue fait mine de continuer, mais pour l’agresseur ne s’apparente-t-il pas à du théâtre surtout quand il vient de bombarder celui de Marioupol ? Alors quid de ce terme compromis ? Un mot faussement jeté en l’air ou qui a vraiment du sens et allant dans le bon sens ? « Tout au long de ma vie, je n’ai jamais cessé de mesurer mieux, jour après jour, la valeur du compromis ». Gandhi.