Grenelle est entré dans le langage courant pour désigner une grande négociation : Grenelle de l’environnement, de la santé, de la mer, de l’insertion, de l’audiovisuel, etc. Ce terme devenu donc générique est un héritage des fameux accords de Grenelle négociés et conclus en Mai 68 mais qui furent néanmoins rejetés par la base ouvrière. Cinquantenaire oblige… flashback.
La presse se fait aujourd’hui largement l’écho de cette période de profonds bouleversements de la société française. Si l’on n’a toujours pas trouvé la plage sous les pavés et que l’on tente encore de mettre parfois l’imagination au pouvoir, outre les slogans jubilatoires et une certaine nostalgie habitant encore certains adeptes du grand soir, la contre-culture née à l’époque s’est peu à peu intégrée sans se dissoudre dans la culture qui construit l’identité nationale.
Le mot « Grenelle » né dans la confusion et la fumée des lacrymogènes a ainsi franchi les décennies comme un symbole de sortie de crise (pourtant ratée), d’une grande négociation qui mit gouvernement et syndicats autour d’une table. Capital nous en rappelle le contexte, les enjeux et les blocages.
« Il y a cinquante ans, le quartier latin à Paris est couvert de barricades, tandis que grèves et occupations d’usine secouent le pays entier. Priorité pour le gouvernement : mettre fin à la paralysie du pays en négociant avec les syndicats. Débordée, la CGT recherche aussi une solution d’apaisement ». Il y donc une volonté commune de sortir de l’enlisement.
Du 25 au 27 mai 1968, le gouvernement conduit par Georges Pompidou, le patronat et les syndicats se réunissent au ministère du Travail, rue de Grenelle, évoque Olivier Auradou dans ladépêche.fr. Ils commencent à se mettre d’accord sur un certain nombre d’avancées sociales. A l’origine de cette négociation : Jacques Chirac. A la question du Général de Gaulle à son jeune secrétaire d’Etat à l’Emploi, « que faut-il faire ? », ce dernier répondra : « il faut négocier mon général, s’entendre avec les syndicats ». Afin de préparer les conditions d’une telle réunion, le futur président de la République rencontrera en toute discrétion le leader de la CGT. Lors de cette rencontre, Jacques Chirac avait même un pistolet dans la poche afin de se protéger d’un éventuel enlèvement… C’est dire l’ambiance de thriller !
Deux jours plus tard la conférence commence ainsi que les tractations… l’ambiance est chaude mais l’instant est historique. De concessions en concessions, un protocole d’accord est finalement lu par Georges Pompidou aux syndicats. En échange de la reprise du travail précise Capital, le Premier ministre s’engage sur une augmentation de 25% du Smig et de 10% des salaires. Les syndicats ne signeront pas ce protocole, demandant à consulter leur base. La reprise ne sera pas votée.
L’issue « résultera du coup de force du Général de Gaulle qui à son retour de Baden-Baden annonce la dissolution de l’Assemblée et la tenue d’élections législatives ». Le 30 mai, 800 000 personnes manifesteront leur soutien au Général… La rue triomphera de la rue.
Pour Capital, les accords de Grenelle restent une grande négociation qui s’inscrit dans la coopération, puis la confrontation.
Aujourd’hui, Grenelle est un mot qui symbolise surtout la coopération et le débat entre différents acteurs publics dans le but de légiférer ou de prendre position. Un héritage qui accompagne le train de l’histoire, même si celui-ci entame son 12ème épisode de grève perlée !