Quand on abuse de ses larmes pour obtenir ce que l’on veut… Une ministre canadienne joue la carte de l’émotion et remporte le grand chelem.
S’appuyant sur les récentes révélations du journal canadien Globe and Mail, le site belge d’information l’avenir.net revient sur les négociations chaotiques du CETA qui auraient avorté si les larmes n’avaient pas coulé. Décryptage.
À l’issue d’une réunion avec le gouvernement wallon qui négociait pour l’Europe le partenariat de libre échange entre l’Union Européenne et le Canada (CETA), les larmes de Chrystia Freeland, ministre du commerce canadien (aujourd’hui aux affaires étrangères) avait considérablement ému et influencé l’ensemble de la communauté européenne. Larmes de crocodile ou émotion réelle ? Coup de bluff ou échec mal vécu, si les commentaires vont bon train, le succès fut heureusement au rendez-vous, moins la tactique.
Qui pleurt en Belgique, gagne une fois !
Le 21 octobre dernier, relate donc l’avenir.net, « en sortant d’une réunion avec le ministre-président wallon Paul Magnette, Mme Freeland avait annoncé la voix tremblante, devant la presse médusée, la fin des négociations sur le CETA, prenant les Européens de court et précipitant de nouvelles négociations, d’abord entre la Belgique et l’UE puis entre entités belges. Moins d’une semaine après, un accord global sur le CETA était annoncé et le traité pouvait être signé – trois jours plus tard que prévu – par le Premier ministre canadien Justin Trudeau à Bruxelles ».
La stratégie de la culpabilisation
La ministre canadienne vient de revenir sur son attitude expliquant que « la rupture soudaine des négociations couplée à sa réaction émotionnelle, était la façon la plus efficace de culpabiliser ses partenaires intransigeants ». Elle a donc joué un ton triste plutôt que fâché, cela afin de laisser la porte des négociations entrouvertes. Et les Européens l’ont supplié de poursuivre.
De son côté, le ministre-président wallon Paul Magnette qui dirigeait les négociations pour le compte de l’EU, affirme « qu’il ne peut croire à une histoire aussi énorme et qu’il n’allait pas signer le traité pour que Mme Freeland arrête de pleurer ».
Théâtralisation et caisses de résonance
Dans le cadre d’une négociation internationale, il est certain qu’une sortie de réunion sous les feux des projecteurs oblige les intéressés à une forme de théâtralisation. Les médias sont une caisse de résonance plus qu’influente et incontournable. L’émotion savamment utilisée semble avoir joué à fond faisant passer les Wallons pour des méchants et les Canadiens pour des gens « tellement géniaux et sympas » (dixit Mme Freeland). La manipulation fut donc gagnante et la ministre canadienne pourrait donc aujourd’hui en pleurer… de rire.
Le vase de l'exaspération
Mais de là à affirmer que l’utilisation de l’émotion, et surtout, des larmes est une tactique de négociation à suivre, il y a une montagne (de boîtes de Kleenex) qui s’interpose entre de tels débordements et le cadre d’une négociation traditionnelle. Certes, l’empathie est fondamentale, mais elle est gage de compréhension de l’autre, pas d’adhésion à ses exigences. Ainsi, les larmes peuvent-elles devenir ces gouttes d’eau qui vont faire déborder le vase de l’exaspération.
L'empathie n'est pas l'adhésion
Nous ne le dirons jamais assez : durant une négociation, il faut savoir laisser ses émotions de côté… Si elles signent votre humanité, elles trahissent également faiblesse et impuissance. Si la partie adverse joue cette carte, surtout ne pas y succomber : rester de marbre, reformuler, revenir sur des points précis, tenter une concession mais en la valorisant contre une autre et au besoin, ajourner pour calmer le jeu… Là, attention aux éventuelles caisses de résonance qui pourrait influer la reprise des négociations.
Dans ce cas précis, l’émotion semble avoir produit son effet…
Il est fort probable que l’on y reprendra pas les négociateurs internationaux à deux fois et que la « tactique Freeland » s’apparente à une dernière cartouche, désormais un pétard « mouillé » !