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Chypre : 40 ans de négociations et toujours l’impasse.

Tanguy Brochier
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© Pixabay

L’ensemble de la presse est longuement revenu sur l’échec des négociations ce vendredi visant à trouver une solution pour réunifier Chypre coupée en deux depuis 1974. Pourtant ces négociations menées sous l’égide des Nations Unies semblaient proches d’une solution jusqu’à ce que « les positions se durcissent et empêchent toute avancée » évoque Le Monde… Décryptage.

Ainsi, l’île de Chypre est-elle à l’image du Janus qui illustre notre propos : deux visages différents sur un même corps aux regards diamétralement opposés. D’un côté le Turc, de l’autre le Grec. Deux communautés qui continuent de s’opposer, deux parties qui se renvoient aujourd’hui la responsabilité de l’échec, cela malgré tous les efforts de réunification menés par l’ONU.

Contexte. Après l’indépendance proclamée en 1960, l’ONU doit intervenir pour assurer la paix entre les communautés grecques et turques. La Turquie envahit le Nord de l’Ile en 1974 pour contrer un coup d’état visant à rattacher Chypre à la Grèce à l’époque sous la botte des colonels. 35 000 soldats turcs sont ainsi stationnés sur l’île qui est coupée en deux Etats. Est mise en place une « ligne verte » par les Nations Unies constituant une zone démilitarisée et une barrière physique entre les deux Etats de l’île. En 2004, l’ONU propose un plan visant à réunifier les deux Etats chypriotes au sein d’une même République chypriote unie fonctionnant sur la base d’un système fédéral où les deux communautés seraient représentées. Après 30 ans de négociations infructueuses, l’ONU propose l’instauration d’un Etat confédéral, chaque Etat devant permettre l’installation ou le retour de l’autre communauté sur son sol. Par referendum, ce plan est accepté par le Nord de l’Ile et rejeté par le Sud. Encore une impasse. Pourtant les négociations continuent et s’intensifient en 2016. Il y a une vraie volonté de rapprochement mais la question du maintien des troupes turques sur l’île demeure toujours un vrai élément de rupture. Un point de blocage qui a à nouveau fait échouer les négociations de vendredi dernier.

Autopsie d’un échec. A l’aulne des techniques de négociation dispensées par Scotwork, quels enseignements retenir de cet échec ?

  • Sans volonté commune pas de négociation possible. 40 ans que cela dure, la volonté est claire mais la question du rôle des garants de l’île en cas de réunification avec notamment la présence de l’armée turque dans le nord de Chypre –même réduite- continue d’achopper. En bref, un point non négociable devenu point de blocage.
  • Sans confiance réciproque pas de concession possible. L’ombre exacerbée du nationalisme rôde toujours et avec lui le poids de l’histoire.
  • Emotion et négociation ne font pas bon ménage. Rien de bon quand les esprits s’échauffent et que les cris fusent… Le cœur a des raisons que la raison ignore mais il faudrait parfois lui faire entendre raison !
  • Le rapport de force ne mène à rien. Gilles Bertrand, spécialiste de la question chypriote explique dans Libération que les bases de négociation sont mauvaises : « C’est une négociation bilatérale entre le président de la République de Chypre et le président de la République de Chypre du Nord, et derrière, il y a les deux mères patries, la Grèce et la Turquie. Ce format là ne peut fonctionner. Parce que ces gens sont dans un rapport de force, il n’y aucune confiance et ils ont deux obsessions : la souveraineté et la sécurité. »

Toujours selon Gilles Bertrand, « le problème essentiel est de savoir si les Chypriotes grecs et turcs, veulent vivre ensemble et ce qu’ils sont prêts à faire pour vivre ensemble. Est-ce qu’ils veulent la partition ? Ou est-ce qu’ils veulent la réunification mais en faisant des concessions. Un premier référendum, confie t-il encore à Maïder Gérard (Libération), aurait permis de poser une bonne fois pour toutes, ces questions aux Chypriotes parce que pour l’instant, on n’en sait rien ».

Un referendum dont l’issue serait un préalable ou non à de futures négociations, celles-ci enfin productives.

Après l’échec de ces négociations, « C’est un sentiment de peine et de colère qui domine » souligne le Point en citant une chypriote grecque… Et avec les gisements de gaz –et probablement de pétrole- découverts dans la zone économique chypriote, de l’huile risque d’être à nouveau jetée sur le feu du fait de cette nouvelle impasse, Ankara contestant en effet le découpage de ces zones.

Chantée par Homère, berceau d’Aphrodite, déesse de la beauté et de l’amour, Chypre attend ainsi de retrouver toute la quiétude d’un paradis méditerranéen qu’elle est toujours un peu…

Sans doute de nouvelles négociations homériques l’attendent-elles encore… Odyssée à suivre !

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