S’il est une négociation qui va nous tenir en haleine pendant deux ans et même bien au-delà, c’est bien sûr celle qui concerne le Brexit. Sans qu’elle ait commencée, elle est déjà en pleine « phrase » préparatoire. Revue de presse et décryptage.
Depuis quelques mois, la presse est unanime, on peut s’attendre à des négociations difficiles et la joute oratoire semble préparer le terrain des deux côtés de la Manche. Leur caisse de résonance, les médias bien sûr, qui, au quotidien, relatent cette « mise en condition » des uns et des autres que nous suivons avec attention et écoutons sous le signe d’une entente pour le moment cordiale, même si la surenchère verbale interpelle, menace, parfois tempère.
Pas de purgatoire avec un accord transitoire.
Hier, Theresa May annonçait clairement les douze points qui guideront son gouvernement pendant la négociation. Une stratégie fondée sur la transparence déjà évoquée dans nos colonnes et qui permet à l’Union Européenne de parfaitement connaître la feuille de route britannique, sans surprise. L’objectif de Theresa May est limpide : pas de purgatoire avec un accord transitoire, mais un accord définitif au terme de la négociation en 2018. Un Brexit dur est ainsi souhaité par les Anglais avec la sortie du marché unique, du marché intérieur européen et de l’Union douanière. À cet égard, La Tribune titre que si le Brexit voulu par May est dur dans les principes, il est flexible dans les détails.
Le Royaume-Uni : un allié et un marché.
Pour le côté Français et européen, La Tribune rappelle que le Royaume-Uni doit rester un allié et un marché, ce que le discours de Theresa May semble admettre sur des domaines tels que la coopération militaire et le renseignement. « L’enjeu commercial est plus incertain » souligne le journal. "L'enjeu est celui des tarifs douaniers, mais aussi des normes : en sortant du marché unique, le marché britannique pourrait suivre des standards différents de ceux du continent, ce qui rendrait plus difficile les exportations françaises ou allemandes. Toutefois, Londres a intérêt à suivre les normes européennes, ne serait-ce que pour pouvoir exporter à son tour sur le continent, notamment les nombreuses voitures japonaises qui y sont produites ».
Négocier vite et bien.
Le Figaro indique que la Première ministre britannique a informé le président français de sa volonté d'établir une relation économique avec l'Union Européenne dans le cadre d'un accord commercial et insisté sur l'importance de la coopération franco-britannique en matière de sécurité et de défense. La présidence française a pris acte des clarifications de Theresa May et François Hollande souhaite que la négociation puisse commencer le plus rapidement possible.
Impacts visibles.
Reste que le choix de l’option « Hard Brexit » fait rebondir la livre sterling et l’économie britannique fait preuve d’une étonnante résistance (Les Echos), sans oublier la nouvelle administration américaine qui fait les yeux doux aux Anglais. Mais en revanche, de grandes banques annoncent leur délocalisation en France : Paris gagnant contre Londres ?
Des menaces et des propos parfois déplacés.
Quant aux menaces, elles sont tout aussi claires, par exemple le dumping fiscal sur les sociétés proposé par le ministre britannique de l’Economie qui fait ainsi monter la pression sur les 27 pays membres qui refuseraient de lui accorder un accès au marché européen si la Grande Bretagne s’opposait à la libre circulation des personnes. Le spectre d’une guerre commerciale contre l’Europe ?
Boris Johnson (ex maire de Londres et grand promoteur du Brexit), aujourd’hui ministre des Affaires étrangères, comme à son habitude, ne fait pas dans la dentelle : "Si Monsieur Hollande souhaite administrer une correction à quiconque essaye de s'échapper, un peu comme dans les films sur la Seconde Guerre mondiale, je ne pense pas que ce soit la bonne voie pour aller de l'avant", a-t-il déclaré lors d'une conférence à New Delhi, au lendemain du discours de la Première ministre britannique (Le Monde).
Vers un accord équilibré… et digeste pour tous ?
Londres n’a pas de stratégie claire pour négocier le Brexit insiste le leader travailliste Ed Milliband dans challenges.fr. « Londres doit coopérer avec Bruxelles, sans quoi tout le monde va y perdre ».
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a promis hier qu'il ferait tout pour parvenir à un accord "équilibré" avec Londres. Et le président de L’Eurogroupe (qui rassemble les ministres des Finances de la zone euro), vient d’annoncer (ITV) que Théresa May cherchait à convaincre les Anglais qu’en quittant l’Europe, ils auraient le beurre et l’argent du beurre (they can "have their cake and eat it" by leaving the single market.). C’est dire l’ambiance.
Un rendez-vous avec l'histoire ?
Si cette négociation s’annonce historique, n’étant pas devins, nous ne bénéficions pas encore du recul de l’histoire. À l’heure actuelle, les petites phrases abondent, les experts rivalisent d’avis, les stratégies s’annoncent, les pressions montent, des concessions se dessinent et l’affect n’est jamais loin… Cela promet autour de la table de négociation...
Cette négociation restera-t-elle dans les livres d’histoire comme un cas d’école exemplaire ou comme l’illustration de tout ce qu’il ne faut pas faire ?
Une négociation spectacle que nous préfèrerions applaudir à son terme !
À suivre.
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