S’il est un négociateur avec un grand N (comme Napoléon qu’il admirait), Talleyrand reste le plus emblématique avec un grand T comme tacticien. Si ce diable était boiteux, il sut faire avancer la diplomatie et notre histoire à grands pas et reste exemplaire à plus d’un titre. Et ses biographies sont légion, parmi lesquelles nous retiendrons deux ouvrages à dévorer (au choix !) durant l’été, « histoire » de continuer se dire que la grande Histoire éclaire le présent.
Charles-Maurice de Talleyrand (1754-1838) comme le décrit le Larousse, fut « l’homme de tous les régimes, de la Révolution à la Restauration, il fit de la diplomatie un art où le cynisme s’alliait à l’efficacité. Aussi empressé à servir qu’à trahir, indifférent au jugement de l’histoire, il s’efforça avant tout de préserver le rang de la France en Europe. » Il est vrai que grâce à ses multiples talents de négociateur, il traversa pas moins de neuf régimes (un exploit !) à la tête de la France, servant ses propres intérêts comme ceux du pays. Homme de plaisir et de raffinement, d’une intelligence supérieure, as du double jeu, il a trahi tous les régimes, mais jamais les intérêts de la nation, du moins dans la vision qu’il en avait.
S’il fallait évoquer son plus grand fait « d’arme » de négociateur, ce serait incontestablement le Congrès de Vienne (18 septembre – 9 juin 1815). Les pays vainqueurs de Napoléon 1er et les autres pays européens se réunissent pour rédiger et signer les conditions de paix et redessiner les frontières. Totalement vaincue, la France tente d’alléger le coût territorial de sa défaite et de rester une partie prenante parmi les souverains « légitimes » européens. Talleyrand obtient de participer aux conférences réservées aux seuls vainqueurs et réussit à ce que la France ramène ses frontières à celles de 1791, demeurant ainsi plus vaste qu’en 1789 !
Excellente préparation de la négociation, obtention et exploitation des informations nécessaires, concessions gagnantes, stratégie avisée de lobbying lors de réceptions fastueuses et gourmandes, des principes qui courent encore aujourd’hui autour et en dehors de la table des négociations.
Deux biographies majeures consacrées au « Prince des négociateurs ». Celle de Jean Orieux est la plus littéraire et est souvent considérée comme la meilleure en matière d’écriture et de confort de lecture ; celle d’Emmanuel de Waresquiel est plus récente et plus aboutie scientifiquement, donc plus rigoureuse. Reste que le plaisir de lire est bien là… Deux rendez-vous à ne pas manquer avec un homme également de plaisirs, incontournable de notre histoire, y compris européenne. « Je veux que pendant des siècles, on continue à discuter sur ce que j’ai été, ce que j’ai pensé, ce que j’ai voulu », nous n’avons pas fini de débattre autour de Talleyrand, comme lui n’a cessé de battre le subtil jeu de cartes de l’histoire.
• Talleyrand. Le Prince immobile, Emmanuel de Waresquiel (Fayard).
• Talleyrand ou le sphinx incompris, Jean Orieux (Flammarion).
Citations de Talleyrand à méditer.
« Si cela va sans dire, cela ira encore mieux en le disant. »
« La parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée. »
« On ne croit qu’en ceux qui croient en eux ».
« Soyez à leurs pieds. A leurs genoux… Mais jamais dans leurs mains. »
« Il y a trois sortes de savoir : le savoir proprement dit, le savoir-faire et le savoir-vivre ; les deux derniers dispensent assez bien du premier. »