En plein contexte de réforme de la loi du travail et à l’aulne des techniques de négociation enseignées par Scotwork, interrogeons-nous sur l’efficience de l’article 49-3 de la constitution française et les conséquences de son utilisation par le gouvernement.
« Faute de majorité sur ce projet de loi présenté par la ministre du Travail, Myriam El Khomri, rappelle Capital, le Premier ministre a obtenu du gouvernement l'autorisation d'utiliser le fameux 49-3 qui permet de faire adopter un texte sans vote à moins que l'opposition réussisse à faire adopter une motion de censure ». Peut-on considérer qu’il s’agit là d’une action unilatérale de la part de Manuel Valls qui ferait ainsi passer ce texte en force ? Et quels en sont les risques ?
En matière de négociation, une action unilatérale signifie qu’une partie dicte à l’autre ses conditions qui deviennent ainsi « non négociables »… Le risque de détérioration des relations autour de la table des négociations pourrait ainsi se déliter et bien au delà. Ce n’est même plus une situation de blocage ou d’impasse mais cela relève du fait du prince, à ses dépens aussi.
Dans le cadre de la loi Khomry, les négociations fleuve entre les parties prenantes sociales semblent avoir tourné en rond, même si le texte de proposition de loi a été quelque peu revu, et l’impact de la réforme, jugé revu à la baisse par certains. Reste que la rue, en parallèle et encore aujourd’hui, a pris le relais avec notamment le mouvement « Nuit debout » et les excès malheureux qui l’accompagne.
Avant de passer devant l’assemblée législative, pas moins de 5 000 amendements ont été proposés par les parlementaires sur ce projet de loi, parmi lesquels le gouvernement en retiendra 469… Ne nous interrogeons pas sur ce qui justifie une telle quantité : faire sincèrement avancer le dossier par de réelles propositions ou le bloquer. Nous ne nous ne prononcerons pas non plus sur la faible proportion des amendements retenus, à part sur le temps passé et perdu à les concevoir dont on peut légitimement se demander qui en est vraiment comptable.
Reste donc que pour débloquer cette situation, d’abord brandie comme une menace (autre technique bien connue de négociation) l’article 49-3, deviendrait le seul moyen d’imposer la réforme. Ce que Nicolas Doucerain, président de Nous Citoyens qualifie dans les colonnes du Huffington Post (19/05/16) « d’arme fatale de la constitution au secours d’un gouvernement aux abois » .
Ce dernier recours est-il un passage en force qui paradoxalement illustrerait une preuve de faiblesse ? Au contraire, s’agit-il là d’une démonstration de fermeté, dont le manque sur notamment le terrain des casseurs est de plus en plus stigmatisé ?
Dans un tel contexte, et même si les électeurs ont la mémoire courte, l’utilisation du 49-3 peut s’apparenter à une action unilatérale qui n’est pas près d’apaiser un climat social plus que tendu et anxiogène plus qu’avéré.
Le 49-3 : voilà un article qui ne cessera de faire couler beaucoup d’encre… son utilisateur avec ? Si Nuit debout semble un peu moins vent debout, il pourrait se rappeler au bon souvenir des électeurs lors des prochaines échéances électorales. Ainsi Gambetta avertit Mac-Mahon : « quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre ».
Dans une négociation « classique », l’action unilatérale : à proscrire !